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Elie Semoun : L’humour citoyen

INTERVIEW : ELIE SEMOUN

L’humour citoyen

Pour Tohu Bohu, Elie Semoun, l’humoriste que l’on ne présente plus, revient sur ses origines, sa vision de la politique française et son attachement à Israël. Engagé et généreux, il se produira le 17 juin 2013 à l’Olympia au profit du Magen David Adom.

S : On ne sait pas grand chose sur vos origines sépharades, qu’est-ce qu’il y avait pour vous ou votre famille avant la France ?

Alors en fait mon père est du Maroc, de Taza exactement. C’est une ville où toute la famille de Jamel Debouze a vécu. C’est marrant, tous les Semoun viennent de Taza et les Debouze aussi. À croire que c’est une ville d’humoristes. Voilà, du côté de mon père c’est ça. Du côté de ma mère c’est Algérie, Tlemcen et moi chinois parce que je suis né dans le 13ème.

Donc voilà c’est mes origines. Mais après moi je suis né à Paris, tu vois, ma culture est complètement française, à fond.

S : Dans une interview pour JSS news, tu distinguais clairement la politique et l’humour, pourquoi cette distinction ?

Parce que moi je suis pour faire des choses intemporelles. Tu vois, les petites annonces par exemple, c’est intemporel. Ce n’est pas lié à une actualité ou ça n’est pas comme Bref. Bref c’est les trentenaires et c’est vraiment dans notre époque, c’est collé. Moi pas du tout, même les sketchs que j’écris, si de temps et temps je tombe sur moi sur “rire et chanson” et que c’est un vieux sketch, je ne me dis pas que ça a vraiment vieilli. Même les sketchs que je faisais avec Dieudonné. Donc la politique, non. Je vois ce que ça donne notamment avec Dieudonné. C’est pourri, on ne mélange pas l’humour et la politique. En tous cas moi ça n’est pas mon truc. Je ne suis pas chansonnier, je ne suis pas Laurent Gerra ou Laurent Ruquier à l’époque quand il faisait des blagues sur la politique. Ce n’est pas mon truc, ce qui m’intéresse c’est l’être humain : ses failles, un mec qui ment, un mec qui est lâche, un mec qui est raciste ou un mec qui est bête… Ca ça m’intéresse. Mais un mec qui vote Sarkozy ou François Hollande, je m’en fous complètement.

M : En parlant de Dieudonné, j’ai l’impression que vous êtes de plus en plus proche de votre public juif…

Ca commence, c’est marrant. C’est peut être l’âge mais c’est aussi les circonstances. Je ne sais pas comment t’expliquer ça. C’est vrai que je n’ai jamais été estampillé “humoriste juif”. Enfin, je le suis avec la tête que j’ai, le nom que j’ai, je ne peux pas faire autrement mais la communauté ne m’a jamais vraiment suivi. Je n’ai pas un public comme Michel Boujenah qui avait les juifs tunisiens ou Gad peut-être à ses débuts qui avait les marocains etc… Moi c’est pas vraiment ça, ma culture est d’ici donc comme je l’ai dis je ne suis pas vraiment croyant mais avec le temps, les événements font que je me retrouve à jouer en Israël et faire ce spectacle pour le Maguen David Adom.

M : On vous voit beaucoup sur les réseaux sociaux comme Twitter mais pas beaucoup sur les sites de partage vidéo, pourquoi ?

Les gens s’en chargent. Il y a tous mes spectacles, toutes mes Petites annonces donc je n’ai pas besoin d’entre mettre plus car tout est piraté, tout est volé. Twitter c’est rigolo parce que j’en suis à plus de 160 000 personnes qui me suivent et c’est sur que chaque phrase que tu écris peut totalement te griller à vie. Si quelqu’un me pique mon iPhone et écrit : “j’encule tous les arabes de France” ou “j’emmerde tous les juifs de la terre”. C’est fou quand même la puissance que ça peut avoir un truc comme ça. Je peux me griller à vie.

S : Vous revendiquez le fait d’être juif et d’avoir des idéaux de gauche, c’est un héritage ?

Oui, toujours quand on est de gauche ou de droite c’est parce que la famille l’est. Ma mère qui est décédée il y a longtemps était prof de français. Mon père, fonctionnaire de la Poste, donc une sorte de tradition de gauche. Mon grand-père était de gauche. Mais encore une fois, je ne saute pas de joie quand je vois François Hollande à la télé. Quand il nous parle de la crise et tout… Bon, Sarkozy il me sortait par les trous de nez. Je sais que la communauté juive était vachement derrière Sarkozy parce que c’est un mec qui parle bien, qui enrobe les choses. C’est un bon marchand de tapis. Ca parlait à certain mais le résultat il est où franchement ? Donc non, on va dire que mon cœur est à gauche mais là je suis un peu comme tout le monde, c’est un peu la morosité, je ne saute pas de joie.

S : Vous êtes très proche d’Israël. Comment vous voyiez l’avenir des étudiants juifs en France ?

Moi je ne suis pas pour la paranoïa systématique. C’est-à-dire que j’ai déjà parlé de ça et je me suis déjà fais insulter par des juifs quand je disais qu’on était dans un beau pays et qu’il ne fallait pas céder à la paranoïa. Il y a beaucoup de juifs qui parlent de quitter la France, d’aller s’installer en Israël ou aux Etats-Unis. Je peux comprendre cette peur mais on n’est pas insulté dans la rue tous les jours. C’est vrai qu’il y a des événements immondes qui sont arrivés, je ne le nie pas. Mais est-ce que c’est une raison pour s’enfuir ? Pour quitter la France ? Je ne crois pas. Je pense que la meilleure réponse que l’on peut faire à tous ces enfoirés c’est de rester et de vivre normalement. Encore une fois, je risque de me faire insulter mais je sais qu’il y a des problèmes, je ne les nie pas. Moi aussi je me fais traiter de sale juif mais ça n’est pas pour ça que je vais aller vivre ailleurs que dans mon pays qui est un beau pays.

M : Est-ce que vous comprenez que certain puissent vouloir partir ?

Je comprends, qu’ils partent s’ils se sentent plus à l’aise aux Etats-Unis ou en Israël. S’ils sont plus heureux. C’est dommage parce que la France c’est un magnifique pays, vraiment sublime. Mais oui bien sur, je peux le comprendre. Mais tous les arabes ne sont pas des antisémites. Il y a beaucoup de musulmans en France, beaucoup plus que de juifs mais ce ne sont pas tous des antisémites. Il y en a évidemment mais ils ne le sont pas tous.

 

Propos recueillis par Sephora Guedj